Félicitations à Terence Legrand (OPLC) qui a soutenu sa thèse le lundi 21 Mars 2022

Sur le sujet suivant : 

" Influence de la connectivité multi-échelle via la dispersion larvaire sur la structure des populations et les schémas de biodiversité en mer Méditerranée "

Sous la direction de Anne Chenuil, Directeur de Recherche et de Vincent Rossi, Chargé de Recherche

Résumé :

Le monde vivant peut être décrit comme un vaste et complexe réseau de connexions :  les organismes, en se déplaçant eux-mêmes dans l’espace et le temps sont les liens entre des populations ou localités. De tels déplacements résultent de la dispersion, soit le mouvement d’un individu depuis son site de naissance jusqu’à son site de reproduction. Les mécanismes de dispersion sont extrêmement variés : ils découlent de la capacité de chaque organisme à se mouvoir par lui-même ou grâce à un tiers. On parle respectivement de dispersion active ou passive. Dans l’océan, la dispersion passive est facilitée par les propriétés physiques intrinsèques de l’environnement marin : de nombreuses espèces benthiques à semi-sédentaires à l’état adulte dispersent ainsi durant leurs premiers stades de vie en relâchant dans la colonne d’eau des cohortes de propagules (œufs, larves, fruits, etc.) qui sont ensuite transportées par les courants marins. La connectivité entre populations est réalisée lorsque les propagules survivent à une telle phase pélagique puis s’installent sur un habitat favorable pour s’y reproduire. Démographiquement, la connectivité est constitutive de la dynamique spatiale des populations : c’est un processus écologique clef dans la régulation et la persistance des populations. Génétiquement, la connectivité est vectrice de flux génique, qui, avec les autres forces évolutives, module les schémas contemporains de biodiversité. La connectivité via la dispersion est ainsi déterminante dans la résilience des populations face aux pressions anthropiques : sa compréhension est essentielle pour une bonne gestion et sauvegarde des écosystèmes, notamment pour le design d’aires marine protégées (AMPs) ou la gestion des pêches. Dans cette thèse, nous avons défini un cadre général qui permet de caractériser la connectivité démographique et de localiser les zones de pontes pour toute espèce présentant une phase pélagique, en combinant l’utilisation d’un modèle Lagrangien avec des données d’analyses d’otolithes et biogéographiques. On a d’une part montré que les patrons de connectivité sont expliqués par la variabilité spatio-temporelle de la circulation océanique, et d’autre part quantifié le rôle des AMPs dans l’approvisionnement en propagules des zones non protégées. Nous avons ensuite défini analytiquement les probabilités de connexions génétiques résultant d’évènements successifs et cumulatifs de dispersion, cumulant ainsi les différentes possibilités de flux de gènes entre populations sur plusieurs générations. Pour un nombre de génération fixé, la connectivité filiale, qui quantifie la probabilité qu’une population soit parente à une autre, a été distingué de la connectivité coalescente, qui quantifie la probabilité sous-jacente que deux populations partagent des « populations ancêtres » communes. Nos résultats montrent que les barrières hydrodynamiques, jusqu’ici considérées comme la cause de structuration génétique, sont effectivement perméables à la connectivité coalescente. Ces modèles de connectivité filiale et coalescente ont permis d’estimer le flux de gènes chez 47 espèces à cycle de vie biphasique couvrant un large éventail phylogénétique, compilées dans une méta-analyse couvrant 58 études de génétique des populations en mer Méditerranée. La connectivité coalescente nouvellement définie retourne les meilleures prédictions de flux de gènes pour l’ensemble des taxons et explique environ 50 % de la variabilité des différentiations génétiques observées à l’échelle de la méta-analyse. De plus, nos résultats suggèrent une relation étroite entre les échelles temporelles (i.e. nombre d’évènements de dispersion) et spatiales (i.e. étendu des patrons de diversité génétique) de la connectivité génétique, illustrant les interactions éco-évolutives caractéristiques d’un tel processus. Dans un dernier temps, nous avons étudié l’influence de la considération précise de l’habitat obtenu par modèles de niche dans la prédiction du flux de gènes. Cette thèse, au-delà d’établir de nouveaux outils méthodologiques pour une meilleure compréhension de la connectivité démographique et génétique, identifie de nouvelles pistes de recherche qui contribueront à mieux évaluer l’impact du flux de gènes et des autres forces évolutives sur la biodiversité marine.