Interview de Lars-Éric Heimbürger-Boavida, MIO-CEM, dans le Parisien : « de fortes concentrations de mercure chez les animaux arctiques et leurs consommateurs humains »

La présence dans les océans du mercure et d’une de ses formes les plus nocives pour les êtres vivants occupe une grande partie des recherches du savant qui a notamment participé à une expédition dans l’Arctique.

Quel rôle le Fonds Axa pour la recherche a-t-il joué dans vos travaux ?

Grâce à ce financement, j’ai passé quatre mois dans l’océan Arctique, à l’été 2015. J’ai participé à une expédition de recherche sur le brise-glace allemand Polarstern. Elle a non seulement été l’expérience d’une vie, mais également permis des avancées scientifiques considérables sur le mercure, la glace de mer et les sédiments marins. Dans le cadre du suivi de la bourse, j’ai organisé en 2017 une exposition de photos des expéditions arctiques, donné des séminaires publics et mesuré les niveaux de mercure dans les cheveux des participants, afin de les informer de leur exposition individuelle.

Pourquoi vous intéresser aux différentes sortes de mercure présentes dans l’eau ?

Le mercure est un élément naturel que l’on trouve partout dans la croûte terrestre, à travers les feux de forêts ou les émissions volcaniques. Mais il y en a dix fois plus dans l’atmosphère du fait des activités humaines. Nous ignorons cependant aujourd’hui d’où vient le mercure que nous trouvons dans l’océan et comment celui-ci s’est transformé dans sa forme la plus dangereuse qui peut affecter notre santé, le méthylmercure. Ingéré, il se concentre ainsi dans certains poissons que nous consommons.

Quels sont les premiers résultats de vos recherches ?

D’après mes travaux dans l’océan Arctique, le méthylmercure est produit à 100 m de profondeur, contre 1 000 m dans l’océan Atlantique. Nous avons également pu mettre en évidence que la perte de la vieille glace de mer pluriannuelle due au réchauffement climatique entraînait des niveaux de méthylmercure globalement plus élevés dans la cryosphère (toutes les parties de la terre où l’eau est présente à l’état solide). Les deux phénomènes contribuent aux fortes concentrations de mercure chez les animaux arctiques et leurs consommateurs humains