MICROBEACH : des recherches interdisciplinaires sur un socio-écosystème plage urbaine menées par l’université de Toulon
Sous la plage, de l’eau circule à faible profondeur dans le substrat sableux poreux. Voilà un écosystème aquatique méconnu, influencé par les intrusions d’eau de mer et par l’eau douce issue du bassin versant. Lorsque la plage est située au coeur d’une grande ville, dans une baie urbanisée, les pressions anthropiques se multiplient.
Existe-t-il un lien entre les usages de la plage, le fonctionnement et la qualité de cet écosystème souterrain ? C’est cette question qu’aborde le projet MICROBEACH, via le prisme des crèmes solaires.
Financé par l’institut des sciences de l’océan (AMU), porté par le MIO, ce projet pluridisciplinaire alliant sciences fondamentales et sciences humaines réunit des chercheurs en chimie de l’environnement (Virginie Sanial, MIO; Jean-Luc Boudenne, LCE), en écologie microbienne (Nicolas Gallois, Léopold Matthys et Benjamin Misson, MIO) et des géographes de l’environnement (Emanuele Giordano, BABEL; Samuel Robert et Marie-Laure Trémélo, ESPACE). Il vise à structurer l’effort de recherche d’UTLN et AMU pour :
- explorer le potentiel de biodégradation microbienne de filtres UV organiques dans l’environnement souterrain des plages,
- évaluer la fréquentation et les usages à la plage des Catalans, une plage naturelle localisée en plein Marseille.
Le financement a permis le recrutement en juin 2024 d’un post-doctorant en écotoxicologie microbienne qui coordonne des campagnes d’observation et échantillonnage, ainsi que des expériences en laboratoire afin d’adresser ces objectifs.
La ville de Marseille a soutenu le projet en établissant un arrêté municipal autorisant une première campagne de terrain le 28 août dernier, permettant ainsi à une équipe d’une vingtaine de scientifiques de se mettre à l’œuvre au milieu de centaines voire de milliers d’usagers selon l’heure (~1600 personnes au pic de fréquentation). Dès six heures du matin, les scientifiques ont banalisé treize sites de prélèvements sur la plage. Les prélèvements ont commencé dès que possible afin de libérer progressivement l’espace pour les usagers.
Au total, ce sont dix heures de prélèvements et filtrations sur le terrain puis en laboratoire, douze heures d’évaluation de la fréquentation (comptage aux entrées et sorties, photographies pour dénombrer les personnes dans l’eau et sur le sable) et 136 enquêtes auprès des personnes présentes pour évaluer leurs usages de la plage et des crèmes solaires qui ont été réalisées sur la seule journée du 28 août.
Cet évènement, qui a intrigué les bienveillants habitués et touristes du secteur ainsi que la presse locale [1] et nationale [2] n’aurait pas pu être mené à bien sans le concours de collègues des différents laboratoires partenaires lors de la préparation, de la réalisation et à présent de l’interprétation des observations.
La prochaine étape de MICROBEACH consistera en une approche expérimentale au laboratoire pour évaluer le potentiel de biodégradation de filtres UV organiques présents dans les crèmes solaires par les microorganismes des eaux souterraines. Durant l’hiver, une seconde campagne de prélèvement et enquête sera réalisée en période de basse fréquentation afin d’estimer la persistance des filtres UV sur (mais surtout sous) les plages.
Le financement de ce projet permettra enfin de réunir des experts internationaux sur les différentes disciplines utiles à l’exploration intégrée de cette thématique lors d’un workshop scientifique en fin de printemps. La diffusion des résultats à la société sera assurée auprès des usagers de la plage et des pouvoirs publics locaux, gestionnaires ouverts à l’expertise scientifique pour réfléchir à de futurs aménagements.