L’arbre de la vie permet de reconstruire le réseau alimentaire des récifs coralliens

Connaître le réseau alimentaire d’un écosystème signifie comprendre son architecture, ses flux de matière et d’énergie, et finalement permet de mieux le protéger. Cependant, pour les systèmes très riches, comme les forêts primaires ou les récifs coralliens, nous ne connaissons pas encore de façon globale l’ensemble des relations alimentaires entre espèces. Sur la base de l’arbre de la vie, qui décrit les relations évolutives entre espèces, une équipe de recherche a montré que de nouveaux algorithmes d’apprentissage automatique permettent de prévoir de façon assez précise l’ensemble des relations alimentaires chez les poissons de récifs. Cette étude, à laquelle des scientifiques du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE – PSL/EPHE/CNRS/UPVD), de l’IRD, de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (M.I.O – AMU/CNRS/IRD) et du CEntre de Synthèse et d’Analyse sur la Biodiversité (CESAB) ont contribué, est parue dans le numéro de Janvier 2021 de PLoS Biology.

Les systèmes écologiques ne sont pas un ensemble d'éléments constitutifs indépendants de la biodiversité, mais fonctionnent grâce à l'échange continu d'énergie et de nutriments entre les espèces. Le flux de matière le plus évident est certainement la relation proie-prédateur. L'ensemble de ces relations construit un réseau alimentaire (ou trophique) par lequel transitent matière et énergie, participant ainsi à la productivité générale du système et à son bon fonctionnement.

Si la production d’un système écologique se mesure typiquement par la quantification des flux, la structure du réseau alimentaire représente son architecture fonctionnelle qui permet aux flux de se propager des bas aux hauts niveaux trophiques. Connaître cette architecture, c'est connaître les relations de dépendance entre les espèces et donc être capable d’appréhender des effets en cascade suite à des perturbations ou des mesures de gestion.

Dans les systèmes écologiques très riches en espèces, il est presque impossible de connaître avec précision cette architecture. Pour les récifs coralliens, le système marin le plus riche de la planète, les scientifiques s’appuyaient jusque-là sur la définition des relations proie-prédateur fournie par des experts. Des chercheurs du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE – PSL/EPHE/CNRS/UPVD), de l’IRD, de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (M.I.O – AMU/CNRS/IRD) et du CEntre de Synthèse et d’Analyse sur la Biodiversité (CESAB) ont comparé plusieurs jeux de données créés par des experts et ont montré que ceux-ci sont en désaccord pour environ 30 % des espèces de poissons.

Pour trouver une solution, les scientifiques ont cherché dans la littérature les informations existantes sur les contenus stomacaux des poissons de différents systèmes coralliens atlantiques et indopacifiques. Ils ont ainsi pu identifier de façon objective le régime alimentaire de 13 961 poissons de récifs. 

Ensuite, les chercheurs ont démontré que des algorithmes d’apprentissage automatique basés sur les relations évolutives entre espèces, données facilement accessibles aujourd’hui, étaient en mesure de prévoir les relations prédateur-proie avec une erreur de seulement 5 %.

Si ces résultats parus dans PLoS Biology ne sont qu’un début, ces chercheurs espèrent avoir fait un premier pas vers une connaissance objective des réseaux trophiques des récifs coralliens en rendant leurs résultats accessibles à tous les scientifiques.

 

Références

Parravicini V, Casey JM, Schiettekatte NMD, Brandl SJ, Pozas-Schacre C, Carlot J, et al. (2020) Delineating reef fish trophic guilds with global gut content data synthesis and phylogeny. PLoS Biol 18(12): e3000702.