Le spatial au service de l’étude des sargasses en mer

L’Infrastructure de recherche Data Terra, via ses deux pôles de données AERIS et ODATIS, travaille à la mise au point d’un système d’observation des sargasses en mer depuis l’espace.  Ces algues brunes se développent en surface et peuvent former des «radeaux» de plus de 10 mètres de large. Elles prolifèrent dans les eaux tropicales des Caraïbes et des Antilles jusqu’en Afrique de l’Ouest. Le phénomène s’est amplifié et déplacé ces dix dernières années. Ces algues sont devenues un véritable fléau impactant la pêche, la santé, le tourisme et l’économie.

Les espèces de sargasses concernées sont des algues qui se développent en pleine mer. Elles dérivent à la surface de l’océan au gré des courants et viennent s’enchevêtrer les unes aux autres pour former des amas denses. Visibles par satellite, ces agrégations compactes s’organisent en filaments et peuvent s’étendre sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Des algues nocives qui se multiplient en abondance

Les sargasses représentent un danger lorsqu’elles s’échouent massivement sur les rivages et se décomposent. Elles dégagent des gaz nocifs pour l’homme et les animaux : l’hydrogène sulfuré et l’ammoniac. Leur inhalation peut provoquer des infections des voies respiratoires. Le secteur de la pêche est également durement touché. Les algues se prennent dans les filets, usent le matériel et provoquent la baisse des ventes de poissons dans les zones concernées.

Impacts sur la pêche, la santé, le tourisme, l’économie, les problèmes engendrés par les sargasses sont multiples.

Les skippeurs du Vendée Globe surpris par les sargasses

Mi-novembre lors de l’édition 2020 du Vendée Globe, alors qu’ils faisaient route vers le sud, les skippers ont eu la surprise de croiser des sargasses en grandes quantités au large du Cap Vert, une zone inhabituelle pour ces algues. Elles peuvent entraver les parties saillantes du voilier (la quille, les foils, les safrans, l’hélice de l’hydrogénérateur, …) réduisant la vitesse et obligeant parfois les skippeurs à manœuvrer ou faire demi-tour.

Les cartes issues du projet SAREDA (SArgassum Evolving Distribution in the Atlantic / CNES,IRD) ont été mises à disposition des participants pour faciliter leur remontée vers le nord.

Détecter les algues par satellite

Depuis 2017, l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (MIO) s’intéresse à la compréhension du phénomène. Les scientifiques étudient la biologie et l’écologie de ces algues. Ils cherchent à comprendre l’origine de leur prolifération et de leurs importants déplacements. Seule l’observation depuis l’espace permet de décrire ces processus grâce à une observation systématique à grande échelle et sur de longues périodes. Plusieurs satellites permettent de détecter les sargasses grâce à des caractéristiques instrumentales révélant la présence de végétaux.

A l’échelle côtière, surveiller automatiquement ces algues flottantes dans des zones ciblées permet d’estimer leur dérive et leurs échouements sur les côtes. Les bancs d’algues sont détectés sur des images satellite acquises jour après jour. Des bulletins dédiés sont ensuite fournis aux utilisateurs finaux : fonctionnaires de l’État, agents territoriaux, collecteurs privés.

A l’échelle du bassin Atlantique, la détection par satellite permet de renseigner les fluctuations saisonnières et interannuelles des biomasses du large. Dans le cadre du projet SAREDA, le MIO s’est associé au pôle AERIS et son centre de données et de services ICARE spécialisé dans l’exploitation massive des données spatiales d’observation de la Terre. Ils produisent ensemble des cartes journalières et mensuelles de sargasses dans leur zone de présence : Golfe du Mexique, Mer des Caraïbes et Atlantique. Ce projet a pour objectif de produire un historique complet des biomasses de ces algues à partir de l’archive [2000-2020] des données de l’instrument MODIS volant à bord des satellites Terra et Aqua de la NASA. Une production opérationnelle en temps quasi-réel (H+6) est également prévue via un transfert en cours au Centre de Météorologie Spatiale de Météo France.

L’infrastructure distribuée et mutualisée de données et de services entre les pôles, permet d’assurer l’ensemble du cycle de la donnée, de l’accès à ses multi-usages. Le pôle Océan ODATIS, prendra la  suite du pôle AERIS/ICARE, pour assurer la gestion et la diffusion  des jeux de données ainsi que le partage, la sauvegarde et les usages transversaux.

L’observation des sargasses se poursuit en partenariat avec ICARE dans le cadre du projet FORESEA (2020-2022) financé par l’Agence Nationale de la Recherche, la Région Guadeloupe et la Communauté Territoriale de Martinique.

Une coordination à plusieurs échelles

Soutenue par ses partenaires institutionnels* (CNRS, CNES, IFREMER …), l’Infrastructure de Recherche (IR) Data Terra coordonne les infrastructures impliquées dans la production et la diffusion des données du projet SAREDA. Avec ses pôles de données AERIS et ODATIS en coordination avec le MIO, elle  permet la mutualisation des moyens et des compétences, la coordination des partenaires, et l’innovation en terme de traitements des données au service d’approches scientifiques  pluridisciplinaires.

*Partenaires institutionnels de l’IR Data Terra : Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et l’Innovation, CNRS, CNES, IFREMER, IGN, IRD, INRAE, Météo France